Svetlana & Said : Un avenir en Ouzbekistan? - Tashkent, Ouzbekistan - Paris Tokyo

11 mai 2007

Svetlana & Said : Un avenir en Ouzbekistan? - Tashkent, Ouzbekistan

daoDevant un hamburger ouzbek, nous mesurons l’ecart culturel entre les campagnes et cette capitale qu’est Tashkent...

Said, grand brun aux yeux brides, habille a l’americaine, et Svetlana, blonde comme les bles… deux ouzbeks pourtant! Mais pas tout a fait : Said est Karakalpak, Svetlana mi-Tatar mi-Kazak. Toujours dans ces contrees, les gens nous dirons leur identite de sang, fut-elle implantee dans un pays depuis des generations: Kazak? Kirghizes? Russe? Tadjik? Tatar? Ouzbek? Tous ont pourtant des papiers ouzbeks, mais revendiquent leur nationalites!

Ce couple mixte sont amis depuis le lycee. Originaires de Noukous, capitale de la zone autonome du Karakalpakstan au Nord ouest du pays, proche du Kazakstan. Cette region isolee, desolee par les catastrophes ecologiques (mer d’Aral, dechets industriels) fut un lieu d’opposition de par son eloignement extreme. Loin des capitales sovietiques, Stavinski, collectionneur passionne d’art degenere, put amasser sous le regime sovietique des centaines d’oeuvres picturales dissidentes, loin des regards du pouvoir. Elles ont aujourd’hui visibles dans un musee a son nom.

Nous sentons cette meme independance d’esprit dans ce jeune couple. Mais cette liberte tient surtout de leurs contexts familiaux respectifs, car tout ici “depend de quelle famille on vient”.

Svetlana porte une croix autour du cou, elle nous explique que sa mere est juive, sa soeur athee, et qu’elle s’est convertie toute seule au catholicisme en regardant des films sur Jesus a la tele… Etudiante en relations internationales, elle est aussi chanteuse “lyrique” dit fierement Said. Ah bon! Quel est ton registre? – “ Amel Bent” !!

Le pere de Said etait journaliste, force par l’etat de cesser son activite… sa mere activiste. Ses parents se sont rencontres autour de leur engagement politique et social autour des problemes de la mer d’Aral. Sa mere semble decedee, mais Aziz ne nous en dit pas plus a ce sujet. Sa famille vit toujours au Karakalpakstan et sa soeur, divorcee, a adopte un enfant. Nous n’en apprennons pas plus malgre notre curiosite : c’est la premiere fois que nous entendons parler d’adoption dans la region, car la pluspart des orphelins sont pris en charge par la famille, sans qu’il s’agisse pour autant de legaliser une paternite.

A entendre parler Said, nous sommes une fois de plus surprises de constater que ces nombreuses annees d’ere sovietique n’ont pas eu d’impact sur la structure familiale ouzbek. Selon lui, ces changements viennent a peine d’etre etames depuis dix ans et tout reste encore a faire en terme d’emmancipation individuelle, notament de la femme. La revolution actuelle est la possiblite aujourd’hui de choisir son epoux/epouse. Il nous explique que dans certaines familles, on permet desormais aux jeunes promis d’apprendre a se connaitre, et de refuser l’union si elle ne leur convient pas! Ils reconnaissent l’exception de leur propre cas.

Said poursuit la veine familiale en travaillant dans une ONG… a la ouzbek! Car ici non-gouvernemental n’existe pas! L’Ouzbekistan est rellement ferme a toute entreprise ou ONG internationale, et refuse toute aide exterieure… Les problemes majeurs auquel le pays est confronte semblent nies plutot que traites, et constituent encore une grande honte. Comme nous le fait remarquer une expatriee francaise, l’Ouzbekistan, faisant partie de l'URSS, se considerait comme une grande puissance, et du jour au lendemain, ce qui semblait acquis s’effondra avec le regime. Fuite des cerveaux, fin de l’infusion de savoir-faire, d’argent, de medecins, de materiel… Les hopitaux une fois prospere tombent en desuetude faute de moyens et de medecins en meme temps que les consequences fatales des politiques industrielles et agraires sovietiques apparaissent au grand jour.

Said travaille specifiquement sur les questions des femmes marchandes, de leurs transits quotidiens, hebdomadaires, saisonniers vers la capitale. L’objectif est de leur faciliter la tache en preparant le terrain, et en leur apprennant leurs droits. Par exemple entre chaque region d’Ouzbekistan, des douaniers font fortune en prelevent allegrement bakshish et marchandise. Cependant son action est limitee et biaisee par le seul fait qu’il ne peut travailler en dehors du cadre fixe par le gouvernement. Dans ce systeme politique directement herite de l’ere sovietique, pas de marge de manoeuvre. Cela ne risque pas de changer de sitot, le dinosaure a exclu toute opposition et sa fille est en passe de reprendre le pouvoir. Il faudra plus de 2 ou trois generations avant de sentir une evolution palpable…

Peu d’espoir d’evolution pour un jeune idealiste dans ce contexte ou seuls connection, reseau et argent permettent une ascension sociale. Par consequent, comme nombre de jeunes ouzbek, la porte de sortie vers l’etranger semble la plus allechante. Svetlana nous demande de l’aide pour preparer ses dossiers de bourses et de recherche d’ecole en France, Said envisage de partir en Russie ou en Grande-Bretagne: ces jeunes sont pleins d’une ambition que leur pays ne leur permet pas d’envisager.

Nous ne pouvons que constater que le serpent se mort la queue. Avec cette fuite des cerveaux, pas d’espoir de changement pour l’Ouzbekistan...