Marjan, femme, femme active, activiste – Teheran - Iran
Notre rencontre avec Marjan fut tres dense! En 48h, nous decouvrons multiples visages, un etre en mouvement et en constante evolution, qui nous donne une toute autre approche de la famille. Famille mouvante, ou les roles s'echangent, et dont le moteur principal est le dialogue.
Femme active
"Venez me rejoindre a mon bureau." Encore faut-il le trouver dans la ville dantesque de Teheran. Notre taxi s'arrete tous les deux cent metres pour demander son chemin aux passants, ou lire une adresse gribouillee a la lueur terne de son phare…
Marjan nous acceuille dans son antre : une salle spacieuse avec plusieurs tables ou subsistent des boites de patisseries beantes et allechantes… "Nous venons de terminer une reunion". Sur un mur une étagère est remplie de livres de sa maison d'edition, "Dialogues" en farsi. Autres categorie, traductions d'ouvrages du monde sur des questions feminines, ou sur les ONG… Marjan est une des rares femmes editrices a Teheran. Celles-ci se sont regroupees en association pour mieux defendre leurs droits, mais encore quelques mois auparavent, leurs collegues ont 'omis' de leur ceder la parole au salon du livre de Teheran… C'est une lutte lente et quotidienne.
Femme
Marjan s'ecrie "J'ai une surprise pour vous, on est invitees a une fete!". Le temps de passer chez elle pour se faire une beaute (frenesie feminine qui fait du bien aux deux routardes que nous sommes: prêt de vernis a ongle, maquillage et conseils de look), nous repartons vers l'anniversaire d'une des jeunes femmes de l'ONG que Marjana cree.
Marjan virvolte dans une jupe a volants, ravissante! Elle se fond parfaitement dans la foule de beaux jeunes gens de la golden youth Teheranaise… dans l'appartement parental! On nous explique que c'est impossible pour une jeune femme de vivre seule, meme independante financierement, sans etre consideree comme une 'pute'… Elles vivent donc avec leurs parents jusqu'a leur mariage. Lorsque minuit sonne, les princesses revetent leurs voiles et leurs manteaux, et nous assistons a la transformation vie privee - vie public de la schizophrenie iranienne, accentuee par les durcissement des lois et des controles vestimentaires lors de notre sejour. Mais personne n'est dupe – que de fois nous entendrons que ce n'est qu'un pretexte du gouvernement pour detourner l'attention publique des reels problemes economiques du pays!
Divorcee
Apres une longue discussion partie de nos cartes familles, nous echangeons sur les problematiques de la famille en Iran, et plus particulierement de son experience.
Jeune mariee, mere de deux filles, Marjane vivait la vie ideale de la famille iranienne… a en etre "malade". Sa depression l'a conduite a la rupture avec ce modele familial, qui ne lui convenait pas. Depuis, la famille est pour elle une quete, une recherche en mouvement, qu'elle a mene avec ses filles. Le divorce prend sens dans sa vie : c'est par la rupture que Marjan se contruit. Table rase pour tout reconstruire a zero : c'est le cas dans sa vie privee comme dans sa vie professionnelle, lorsqu'elle a du se battre contre ses associes pour garder les commandes de sa maison d'edition…
Sa maison est un refuge pour femmes blesses, et ses filles et elles ont acceuillis nombres d'ames en peine, cherchant par des discussions, a redonner un sens a ces vies.
Mere
Marjan est mere, amoureusement, curieusement, entousiaste! Ses filles volent de leurs propres ailes, toutes deux a
Gerer la distance n'a pas ete chose facile…. Ainsi que gerer les differentes experiences de vies de ses deux filles. Mais nous sentons que la maternite de Marjan se trouve a un tournant : centree sur ses filles jusqu'a il y a peu, elle est desormais seule dans son grand appartement… Sa vision de la famille est interressante de par les methodes originales qu'elle propose : dialogues et echanges de roles. Cependant malgre tout, nous sentons qu'elle accorde a la mere un role de pivot central, de mediateur en toutes circonstances. Encore aujourd'hui, en cas de conflit outre-atlantique entre ses filles, c'est Marjan qui anime les discussions reconciliatrices.
Fille
En rentrant a 1h du matin de notre fete, une petite tete endormie sort de la porte paliere du premier etage, c'est la maman de Marjan qui guette le retour de sa fille quarantenaire! Car comme Marjan nous la dit, elle est fille autant que mere! Allez, c'est parti, un tchai et des biscuits delicieux comme night-cap! Entre des baillements et des sourires, la toute petite jolie maman de Marjan nous parle de Brigitte Bardot et Alain Delon, vestiges de sa vision de la France d'avant la Revolution.
Depuis que ses filles sont parties, Marjane s’est rapprochee de sa mere, avec qui les relations ont ete difficiles. Incomprehension du besoin d’autonomie de Marjan, et de son mal-etre en couple… Marjane proclame donc son autonomie, mais elle reconnait l’importance de l’affection de sa famille. "Un etre humain ne peut vivre seul… "
Nous quittons Marjan apres 48 heures passees chez elle. Nous nous sommes rechargees d’une grande dose de feminisme, feminite, et d’amour maternel.
Marjan, quant a elle, s’est lancee dans de nouveaux objectifs: these a la Sorbonne sur la place des femmes dans les mouvements sociaux iraniens, nouvel amour… De beaux projets!
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